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lundi 15 août 2011

Coleraine : là où poussent les fougères

La forêt du Terrain communautaire, tapissée de fougères

Présentes depuis la préhistoire, les fougères tapissent le sol à l’ombre de la forêt qui se dresse sur le Terrain communautaire et il existe pas moins de cinq espèces distinctes! Pour le blogue de cette semaine, nous vous présentons les différentes espèces de fougères qui se retrouvent sur le Terrain du Centre. Lors de votre visite du Terrain, le 27 août prochain, vous pourrez peut-être tenter de les retrouver en forêt!

Qu'est-ce qu'une fougère ?
On associe souvent les fougères aux sous-bois sombres et humides, mais les trois quarts d'entre elles tolèrent facilement quatre heures de soleil direct par jour. Toutes les feuilles des fougères débutent enroulées comme des ressorts de montre, sous forme d'un bourgeon bien particulier : la crosse. A printemps, elles se déroulent, adoptant des allures et des postures remarquables qui permettent de distinguer les espèces les unes des autres : les crosses d'une Athyrie fougère-femelle prennent l'aspect d'un grand bal de lutins, celles de la fougère-aigle commune ressemblent aux serres d'un rapace. Les feuilles des fougères diffèrent des autres feuilles par cette crosse en spirale, très rare dans le reste du règne végétal, et parce qu'elles produisent des semences, les spores. Les botanistes désignent ces feuilles par le mot fronde. Comme bien des plantes sous nos climats, les fougères se fanent à l'automne, mais certaines espèces persistantes restent vertes même pendant la saison froide.

Nous vous présentons donc les cinq espèces présentes sur le Terrain communautaire soit l'osmonde de clayton, l'athyrie fougère-femelle, la fougère-aigle commune, l'osmonde royale et l'onoclée sensible.

Osmonde de clayton (Osmunda claytoniana)
L’osmonde de clayton vit dans divers milieux forestiers où elle colonise les berges des cours d'eau. Elle affectionne les forêts ouvertes et parfois même les endroits ensoleillés comme les fossés, les champs et les pâturages humides. On la trouve dans l'est de l'Asie et l'est de l'Amérique du Nord, tout comme environ 20% des fougères du nord-est de notre continent.

La fronde de l'osmonde de clayton
Comme l'osmonde cannelle, elle est croît souvent en association avec le frêne noir et le frêne de Pennsylvanie. On la trouve aussi dans d'autres types de forêts humides à faible recouvrement, telles les érablières rouges, ainsi que dans certaines sapinières humides et occasionnellement dans des groupes d'épinettes noires.

L'osmonde de clayton peut atteindre une bonne taille rapidement
Les frondes de cette fougère sont très semblables aux feuilles de l’osmonde cannelle et s’en distinguent parfois difficilement. De grande taille, l’osmonde de clayton forme des colonies denses, généralement peu étendues. La disposition en couronne de ses frondes, de taille impressionnante, lui confère une allure imposante et exotique; la disposition de ces couronnes est aussi un autre point en commun avec l’osmonde cannelle.

L'osmonde cannelle ressemble énormément à l'osmonde de clayton
Sur notre continent, contrairement à l’osmonde cannelle et à l’osmonde royale qui se rendent en Amérique tropicale (et même, dans un cas, au Brésil et en Argentine), l’osmonde de clayton est propre à l’est de l’Amérique du Nord. Pourtant, elle détient beaucoup de similitude avec certaines plantes tropicales. Les feuilles de l’osmonde de clayton, fougère bien de chez nous, atteignent parfois une taille très imposante.

Athyrie fougère-femelle (Athyrium filix-femina)
De taille moyenne, l’athyrie fougère-femelle forme des couronnes et pousse en colonies clairsemées. Bien que robuste, ses frondes plusieurs fois découpées évoquent une fine dentelle. En forêt, l’athyrie pousse presque partout et très abondamment.

L'athyrie fougère-femelle
Bien que plus fréquente dans l’est que dans l’ouest, l’athyrie fougère-femelle traverse notre continent aux latitudes boréales et tempérés. Les Grandes Plaines comptent cependant peu de spécimens d’athyrie, ce qui l’associe aux espèces à aire disjointe. Découverte récemment, les populations isolées d’athyrie fougère-femelle de la Saskatchewan représentent-elles les reliques d’une répartition est-ouest jadis continue à travers tout le continent nord-américain ?

Très détaillée, la fronde semble aussi fine que de la dentelle
Elle est abondante en forêt dans les zones humides. On la trouve souvent en compagnie de l'orme d'Amérique, de certains frênes et du peuplier baumier. À l'occasion, on la voit dans les tourbières, en bordure de boisés où croissent l'érable rouge, le thuya occidental et l'épinette noire, ainsi que dans les fourrés d'aulnes et les prés humides.

Fougère-aigle commune (Pteridium aquilinum)
Ce type de fougère croît en colonies denses, souvent très étendues. Peut-être la plus connue de nos fougères, car elle se remarque aisément, grâce à sa forte taille et du fait qu’elle croît dans les habitats secs et à découvert, plus fréquentés par les humains que les habitats humides ou densément boisés. Elle est facile à reconnaître : elle a une forme bien étalée à l’horizontal, presque parallèle au sol et évoquant, pour certains, la silhouette d’un grand oiseau en vol. À première vue, elle est ramifié en trois parties principales. Elle fréquente surtout les lieux ensoleillés : champs et pâturages, clairières des bois, abords des routes ou sentiers. Mais elle pousse aussi dans des milieux semi-ombragés.

L’utilisation de la fougère-aigle commune fut, à travers l’histoire, très multiple. Son usage remonte à l’époque romaine, peut-être même avant, atteignit son apogée vers le Moyen-Âge et dura jusqu’à récemment, touchant bien des secteurs d’activités humaines. Jusqu’au 19e siècle, les Européens employaient les frondes de la fougère pour chauffer les fours (à chaux, à briques, à pain) ou les brûlaient dans d’immenses fosses, dont certaines existent encore en Angleterre, pour extraire leurs cendres riches en potasse. Bouillies avec du suif, les cendres devenaient pain de savon. Elles s’utilisaient aussi pour le lavage ou pour fabriquer de la lessive.

Fougère-aigle commune
Avis aux campeurs, une fronde de fougère-aigle attachée au sac à dos ou à la porte de sa tente découragerait les moustiques! Les frondes contiennent des composés qui repoussent les insectes et inhibent le développement des moisissures, aussi servirent-elles à emballer la nourriture, dont les cerises, d’où un ancien nom français : fougère-à-cerise. Peut-être à cause de ces propriétés, on couvrait le sol de frondes de fougère-aigle commune pour isoler le plancher des masures, les soldats romains s’en faisaient des grabats et, encore au siècle dernier, les Français s’en servaient pour bourrer les matelas. En outre, les frondes servirent de chaume pour le toit des cabanes, de litière pour le bétail et de paillis dans les jardins.

Comme on le voit bien sur cette photo, la fougère-aigle commune prend une forme de parasol
Ce n’est pas tout : des grosses fibres de la tige et du rhizome (racines) on fabriqua du papier (Angleterre, Bornéo, Malaisie), des cordages (Japon) et même, à Bornéo, des cordes de violon! Et le rhizome ? Il servit de succédané au houblon dans la fabrication de la bière en Norvège et en Sibérie. Et plus encore : tiges, feuilles et rhizomes combinés à différents éléments (chrome, alun ou sulfate de fer) produisent des teintures variant du jaune foncé au noir, en passant par différents tons de vert. Ouf! Elle mériterait une médaille d’honneur pour services rendus avec tous ces usages!

Osmonde royale (Osmunda regalis)
De grande taille, l’osmonde royale forme des couronnes d’une dizaine de feuilles et pousse en colonies généralement petites, mais denses. L’osmonde royale est une fougère qui ne ressemble à aucune autre et est plus facilement reconnaissable que certaines autres espèces. C’est en bordure des lacs, comme ici, ou sur les rives des cours d’eau que s’observent les plus belles colonies.

L'osmonde royale se distingue très facilement des autres types de fougères
Une origine divine ?
Le nom Osmunda est d’origine inconnue ou, du moins, incertaine. Il apparait pour la première fois dans la littérature botanique en 1500 chez le médecin botaniste de Strasbourg Brunschwygg, sous la forme osmundi et chez De l’Obel (1576) sous la forme osmunda. Il peut venir d’Osmundr, nom saxon de Thor, dieu scandinave, enfant d’Odin et de la Terre; le tonnerre grondant est son char que des boucs tirent à travers la voûte céleste. Guerrier, dieu de la fécondité, régnant sur le tonnerre, les vents, les pluies, il favorise les récoltes. Efficacité et modestie figurent parmi ses autres attributs; aussi svelte que vigoureux, il se nomme «celui à la barbe rouge» et les Vikings se disaient «peuple de Thor». Thor emblème de la force... le lien s’établit facilement entre cette divinité et les propriétés attribuées à cette fougère.

La feuille (ou fronde) de l'osmonde royale
Un indicateur biologique de la pollution
En absence d’obstacles, les rhizomes de l’osmonde royale, issu d’une spore unique, s’étendent et poussent souvent en une formation plus ou moins circulaire, en sous-bois ou dans les prés. Puisque ce type de croissance permet de calculer aisément la vitesse de propagation du rhizome et que, par ailleurs, les rhizomes poussant dans les milieux pollués montrent une plus grande incidence de mutations que ceux des milieux non pollués, l’osmonde royale possède un certain intérêt comme indicateur biologique de la pollution des cours d’eau. Le taux de progression dans le temps et l’importance de la pollution affectant un site donné, se déterminent par l’évaluation de l’âge et du taux de mutation de différentes sections d’un rhizome.

L’onoclée sensible (Onoclea sensibilis)
Qui n’a jamais souhaité se retrouver, ne serait-ce qu’un instant, au beau milieu d’un groupe de dinosaures vivants? Impossible? Pourtant, les fossés et les sous bois recèlent pourtant une relique tout droit sortie de la flore de l’ère Tertiaire. Inchangée depuis plus de 60 millions d’années, l’onoclée sensible passe pour la plus ancienne fougère existant sur terre.

L'onoclée sensible, la plus ancienne espèce de fougère 
Le genre onoclée ne comprend qu’une seule espèce, l’onoclée sensible. Avec une aire de répartition disjointe comme la sienne, l’onoclée sensible se classe difficilement parmi les espèces circumboréales et environ 20% des fougères de l’est de notre continent (à l’exception des espèces tropicales du sud de la Floride), elle fait partie d’un groupe de plantes dont la répartition fort curieuse fascine les botanistes : leur aire s’étend dans l’est de l’Asie et dans l’est de l’Amérique du Nord, deux territoires très éloignés l’un de l’autre. De toutes les fougères de nos contrées, l’onoclée sensible représente sans doute celle dont les crosses ressemblent le plus aux têtes-de-violon, ces crosses comestibles de la matteuccie fougère-à-l’autruche. Distinguer les crosses de ces deux espèces est primordial, l’une s’avérant un excellent comestible et l’autre, reconnue toxique pour les chevaux, méritant toute notre méfiance.


Plantation écosystémique
Comme vous avez pu le constater, ces espèces de fougères vivent le plus souvent en association avec des espèces d'arbres en particulier. Celles-ci sont d'ailleurs souvent les mêmes que celles prévues dans le projet de reboisement du Terrain communautaire. En effet, nous souhaitons un retour des espèces indigènes comme le bouleau jaune, le sapin baumier, l'épinette blanche, l'érable rouge, le thuya occidental, l'orme d'Amérique (comme pour l'Athyrie fougère-femelle), le mélèze larcin et le frêne noir.

Pour la réalisation de ce blogue, je tiens à remercier tout spécialement Donald Carter, qui m'a grandement aidée à repérer les différentes espèces de fougères sur le Terrain communautaire pour que je puisse les photographier. Un merci aussi à Adamo Sénécal, de Fougère boréale, spécialiste des fougères au Québec, qui a pu m'aider à identifier ces différentes espèces, car pour un non-spécialiste, cela peut s'avérer très difficile.

Source : Fougères, prêles et lycopodes, Guide d'identification Fleurbec, 1993.

Mélanie Jean

M. Sc. géogr.
Personne-ressource en environnement

2 commentaires:

  1. Est ce que les feuilles de fougere peuvent pousser plusieurs fois une meme saison? Merci

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  2. Est ce que les feuilles de fougere peuvent pousser plusieurs fois une meme saison? Merci

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